Michel Gardaz est maître de conférences en psychologie clinique à
l'université d'Angers. Il s'intéresse à la psychopathologie de la vie quotidienne, aux phénomènes de dépendance, notamment vis-à-vis de l'argent. Pour son travail de recherche, il a longuement discuté avec des individus surendettés, ces «drogués de la carte de crédit», à la fois victimes de leurs difficultés de vivre et objets de pratiques de séduction de la part de vendeurs.
Existe-t-il des traits communs aux dépensiers compulsifs que vous avez rencontrés?
Avant toute tentative de définition, je pense qu'il est important de revenir sur un préjugé largement répandu parmi les juristes et qui a prévalu dans la mise en place de la loi Néiertz, en décembre 1989. C'est la vision psychologisante, un peu manichéenne, selon laquelle il y aurait des bons et des mauvais surendettés. D'un côté, on trouverait le surendettement actif, qui serait le fait de personnes imprévoyantes. De l'autre, le surendettement passif, conséquence involontaire des aléas de la vie (chômage, maladie, divorce). Or, sur un plan clinique, on ne constate pas de différences de ce type. Les parcours sont toujours mixtes, les raisons objectives et subjectives étroitement mêlées. Par exemple, quand on voit quelqu'un qui se retrouve en position de surendettement à la suite d'une maladie, on réalise qu'il a toujours vécu à la limite de ses possibilités.
Comment définiriez-vous alors le surendettement compulsif?
C'est un Janus à deux faces, l'une individuell