Sur les coups de 10 heures moins le quart du matin, une volée de
coursiers, chargés de l'obtention des visas pour les agences de voyages ou les particuliers, s'abat sur le petit café du XVIe arrondissement parisien, scooters garés à la hâte devant le lieu de rendez-vous quotidien. Entre le crème, les petits noirs et les piles de dossiers, l'ambiance est à la rigolade. «Je te prends le Panama et la Corée du Sud, tu me files l'Ukraine», «Je te donne la Colombie et je prends rien», «T'as pas du Liban?»: Les phrases fusent, les passeports tournent, l'argent change de mains. En un quart d'heure, l'affaire de la tournée des demandes et des retraits de visas est réglée, les scooters s'éparpillent en direction des consulats. En route pour la Chine (un consulat à faire tôt le matin, ou en tout début d'après-midi si l'on veut éviter les queues), on découvre Issy-les-Moulineaux, sa station de métro et sa mairie flambant neuves. «Ici, c'est chacun sa merde, il n'y a pas de ficelles, c'est pas comme en Australie où on passe comme on veut», avait prévenu Jérôme, le coursier. De fait, quand on arrive dans l'ancien cinéma pour enfants du quartier, aux murs plaqués plastique façon bois, la salle est déjà bondée. Avec quarante entrées le matin et quarante l'après-midi, des numéros d'ordre comme à la Sécu et un seul employé (ce jour-là) pour les quatre guichets, l'été promet d'être chaud. D'autant que, comme la Russie ou le Viêt-nam, la destination «monte» comme on dit dans le jargon voyages