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Libération
Enquête

Datura, vénéneuse beauté aux délicates fragrances. La plante maléfique est associée à l'amarante, fleur bénéfique, dans un petit chef-d'oeuvre de rocaille.

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publié le 17 juin 1995 à 6h08

Parmi la pléiade de nouvelles créations que fait éclore la quatrième

édition du Festival des jardins de Chaumont, l'une des plus intrigantes est certainement l'enclos consacré au datura, plante mythique dont on a plus souvent célébré les propriétés vénéneuses que les charmes visuels. Mais dans la nature, contrairement à ce qui se passe dans la morale, le mal est souvent l'ami du bien. C'est ainsi que l'écrivain junky américain W.S. Burroughs célébrait les effets interlopes de la morphine - dérivée de la fleur de pavot - sous le nom de Jardin des délices, Garden of Delights, God, autrement dit Dieu! Délices, maléfices, la frontière n'est qu'affaire de dosage, voire de doses sages... Aussi, n'est-ce pas sans un malin plaisir que Jean-Paul Pigeat, directeur du Conservatoire international des parc et jardins et du paysage, a soutenu l'idée d'un jardin à base de daturas. «On s'inscrit un peu dans la thématique baudelairienne de la beauté vénéneuse. En effet, le datura produit une fleur très intéressante. C'est aussi une manière de montrer que les plantes ne sont ni toutes bonnes, ni toutes mauvaises... De toute façon, elles sont présentées de telle sorte qu'elles ne soient pas directement accessibles au public, derrière des massifs. Et puis l'intérêt du projet, c'est de construire un jardin autour d'une grotte, une espèce de bouche de l'enfer au fond de laquelle s'étendent nymphéas et lotus. D'autre part, pour contrebalancer le côté négatif du datura, on a planté à côté des amara