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Libération
Reportage

Carte postale. Chaque jour, un lieu de vacances, ses tribus, ses codes, ses rites. Aujourd'hui, la discrétion élitiste et le chic des Islais. L'île d'Yeu, dans le sens du contre-courant. L'Islais peste contre le tourisme. Il n'aime que le vent et les bains froids.

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par Béatrice BANTMAN et Thiérry BOUET
publié le 11 août 1995 à 7h28

Port-Joinville, Saint-Sauveur, La Meule,

envoyée spéciale Dimanche de juillet à l'île d'Yeu. Une impeccable quadragénaire, son petit dernier sur le porte-bagages, pédale vers Saint-Sauveur, suivie telle une canne et ses canetons par quatre enfants blonds. La messe est finie, les mères de famille achètent des langoustines pour douze. Au club de tennis (tenue blanche exigée), un père enseigne les subtilités du service-volée à des garçons sages. Rue de la Fée, des volets bleus claquent sur les maisons blanches flanquées d'hortensias. A 25 kilomètres des côtes vendéennes, l'île d'Yeu a longtemps vécu au rythme de ces images d'étés heureux, de paradis sans esbroufe. Cette discrétion élitiste la hissait au rang des îles très chic de la planète, Nantucket (Massachusetts), Marsland (Suède) ou Mull (Ecosse), sauf quand l'actualité ­ un thonier arraisonné par les Espagnols, une gerbe trop voyante sur la tombe du maréchal Pétain (1) ­ s'en mêlait. Mais cette année, l'actualité n'y est pour rien. L'île, royaume des cyclistes, des anciens scouts et des familles nombreuses, brade sa tranquillité sur l'autel du tourisme. Du coup, les repères sont brouillés, et on y voit des choses qui en disent long sur la perte des valeurs islaises.

On a ainsi vu des hommes d'âge mûr siffler des cyclistes du beau sexe. Les voitures, qui avaient longtemps la décence de s'effacer, klaxonnent les vélos sans vergogne. Encore plus fou, on a vu des femmes distribuer des taloches et traiter leur enfant de crétin