Beaujolais, envoyé spécial.
Le beaujolais primeur (ou nouveau selon une dénomination préférée des anglo-saxons) n'est pas un vin. C'est un océan. Mais s'y tremper, même du bout des lèvres, est devenu un exercice périlleux. Chaque année, 500.000 hectolitres (la moitié de la production du vignoble du Beaujolais) sont déversés à date fixe (la troisième semaine de novembre, un jeudi pour des facilités de transports routiers) sur les tables et comptoirs du monde entier, comme une espèce de rite bacchique imposé. Au grand désarroi de l'amateur qui a souvent l'impression d'être excessivement sollicité en vins.
Fruit juteux d'une opération de marketing rondement menée, le beaujolais primeur, héritage d'une tradition du siècle dernier où les bistrots lyonnais servaient ce «vin de soif», laisse aujourd'hui plus d'un dipsomane averti sur sa faim. Excès d'anhydride sulfureux, chaptalisation erronée et surtout «bananisation» du goût grâce à des levures ajoutées (la 71 B) pour leur fragrance tropicale... Banane et banal, c'en était trop pour quelques irréductibles, une dizaine de viticulteurs érudits et amoureux de leur terroir, qui ont décidé de réagir et de pallier cette mauvaise réputation: Foillard, Lapierre, Breton et Thévenet font partie de cette mouvance en quête d'un vin «évolutif». Un peu pour crier vendanges et surtout pour rappeler le principal intérêt du beaujolais primeur: le plaisir d'un bouquet d'arômes dû au cépage gamay, au terroir et à un savoir-faire longtemps occulté.
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