«Tu es beau comme un dieu dans cette jupe», s'exclame la mère d'un
créateur de mode français. Ou bien «I am completely décomposée», soupire, dans un accès de lucidité, la journaliste parisienne de la télé portugaise en tombant dans les bras de Karl Lagerfeld. Et aussi, «on devrait rendre le bac obligatoire pour être mannequin», selon le top model Carla Bruni. Quiconque a fréquenté les coulisses des défilés perçoit aisément que certaines considérations métaphysiques lui échappent. Aussi, le livre de Christophe Graizon, la Tribu (1), se révèle pratique pour voyager dans la mode, souvent précieuse et ridicule. Armé d'un instrument d'optique à l'ironie mordante, Christophe Graizon, qui se garde de tout jugement de valeur sur un univers où la seule morale est l'inversion des valeurs, offre une analyse exhaustive du monde de la mode considéré comme une tribu. Du glossaire aux tics du langage, de la localisation de la tribu à son habitat, le livre développe un spectre très large de cette nouvelle religion. Ainsi, à la rubrique «Mon amour» ou «Ma chérie» (prononcé parfois «ma chewa» par quelques créatures à l'affect affecté), il est dit: «S'emploie pour s'adresser à un collaborateur qu'on ne joint souvent que par téléphone à qui l'on veut demander ou refuser un service.» Sans oublier le classique «l'horreur totale» traduit par «incident bénin». Bref, tout simplement, le quotidien du business de la mode au faîte de sa forme...
Dans l'imaginaire collectif, les mannequins ont supplanté