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Libération

Le pouce-pied joue des coudes à table. Chaud ou froid, mayo ou vinaigrette, le crustacé bellilois tarde à séduire.

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publié le 3 janvier 1996 à 0h25

Belle-Ile-en-Mer, envoyé spécial

Accroché au rocher de la côte Sauvage de Belle-Ile-en-Mer, inlassablement douché par le chahut des vagues déferlant sur lui, le pouce-pied ignore qu'à des milles nautiques de là, des gourmets espagnols se damneraient pour le plaisir de le croquer.

Doigt charnu coiffé d'une coquille de cinq pièces calcaires articulées, le pouce-pied est un crustacé atypique. De la famille des anatifes, il croît en grappes. Le liseré rouge qui borde sa tête l'a fait nommer «bec rouge» par les Bellilois. Flexible et musculeux, couvert d'une peau parcheminée noirâtre, le pied de l'animal s'agrippe à la roche. Quand sa coquille s'ouvre, de petites pattes brassent l'eau qui baigne les branchies. Il lui faut un peu moins de deux ans pour atteindre une taille commercialisable, de 3 à 15 centimètres de long.

Appréciant le Gulf Stream, les eaux brassées du large, les vents d'ouest et les quelques degrés de plus que sur la côte, seuls les anatifes de Belle-Ile prolifèrent assez pour que des pêcheurs professionnels en vivent. On en trouve aussi un peu entre l'île d'Yeu (Vendée) et Roscoff (Finistère-Nord). Vivant dans les sites battus par les eaux sauvages, au pied des falaises de schiste peu accessibles, le pouce-pied a développé chez les pêcheurs des pratiques assez acrobatiques. Pendant les grandes marées, qui découvrent les roches les plus protégées, les aventuriers encordés, descendus en varape le long des parois et des tombés abrupts, jouent du marteau et du burin au