Eva n'avait pas douze jours qu'elle avait déjà une sacrée vision du
monde. Vingt heures d'avion dans sa nacelle et la voilà qui débarque à Papeete sous les alizés. Pour filer, après quinze jours de repos, d'île en île sur Morea, Vahiné, Bora Bora et Rangueroa. Cahotée dans sa petite valise-lit aménagée à l'arrière de la voiture, ballottée au bord de l'eau dans son Kangourou, campant parfois bien à l'abri dans son sac à dos-sac de couchage.
Gonflés les parents Carillet? «C'est vrai qu'on n'est pas parti rassuré, mais mon épouse est sage-femme de métier et on a toujours voyagé», affirme aujourd'hui Jean-Bernard, papa pour la première fois à 27 ans. «Ce qui nous a aidés à franchir le cap, c'est que lorsque l'on voyageait, on voyait toujours des Hollandais, des Scandinaves, des Anglais se balader avec des enfants dans des endroits pas possibles.» Le pédiatre a eu beau donner le feu vert pour le départ (pas de problème de décalage horaire à cet âge-là, ni de risque pour les tympans du bébé en avion), l'agence de voyages a joué les trouble-fête («la compagnie aérienne ne vous laissera jamais embarquer») et l'entourage a paniqué au maximum. De quoi désarçonner une sage-femme de mère, même décidée: «Arrivée à Papeete, la petite a été malade trois jours, je voyais tout de suite tout un tas de causes possibles, puis je me suis calmée et ça s'est passé. Je suis persuadée que c'est parce que j'avais peur», raconte Christine. «On l'a poussée un peu à l'extrême, c'est vrai, convient de son