Dans sa voiture, qu'il n'a pas quittée depuis cinq jours et cinq
nuits, le docteur Albert Cohen ouvre une boîte de coeurs de palmier, dont il s'apprête à boire le jus. «J'ai choisi les coeurs de palmier parce que c'est zéro calorie et plein de sels minéraux.» Sur la BX, garée boulevard de Latour-Maubourg, devant le siège du conseil de l'ordre des médecins, l'inscription en lettres blanches, «MEDECIN EN GREVE DE LA FAIM» arrête quelques secondes les passants. «J'ai beau être très solide, je me sens vraiment bizarre. J'ai déjà perdu plusieurs kilos, je ne crois pas tenir très longtemps. Je finirai bientôt dans un lit d'hôpital.» Ceux qui connaissent l'énergie et le caractère plutôt vif d'Albert Cohen le reconnaîtraient difficilement dans l'homme trop pâle, enroulé dans une couverture derrière son volant. Entamée le 1er mars, la grève de la faim du docteur Cohen fait suite à deux condamnations d'interdiction d'exercer que vient de lui infliger le conseil de l'ordre. Faits officiellement reprochés au médecin: risques injustifiés, compérage, vente de médicaments, certificats de complaisance, déconsidération de la profession, traitement dangereux, manquement à la probité, aux bonnes moeurs et à l'honneur. Ce chapelet d'infamies désigne en fait la prescription de Temgesic, un antagoniste de la morphine, à des patients toxicomanes.
A 59 ans, Albert Cohen est un amoureux de ses patients, un militant, que certains peuvent trouver excessif et agaçant, impliqué depuis longtemps dans la p