Vos muscles douloureux à force d'errer sous leurs voûtes très élevées ou très basses, dénudées ou couvertes de fresques, vous en ont fait compter dix ou vingt fois plus. Ce petit palazzo n'est donc rien. Juste le siège d'une administration locale consacrée à la santé des Bolognais que met quelquefois à mal un autre excès, celui du «cibo», de la bonne bouffe dont la ville tire sa seconde qualité légendaire, «Bologna la grassa», grasse des amoncellements de nourriture, dont la seule vision et le parfum dans les vitrines de la via Clavature ou des Vecchie Pescherie vous font prendre des kilos, grasse des salamis et porchetta géantes, des plats cuisinés saupoudrés de tartuffo (la divine truffe noire ou blanche), des cuvettes en fer remplies de «ragu» bien juteux et des alignements des milles pâtes inventées un jour pour ne pas avoir à s'ennuyer le reste de l'année, les tagliatelle, gramigna, tortellini (fourrés à la viande), tortelloni (fourrés à la ricotta), gargenelli, etc.
Dans le petit palazzo, des fonctionnaires font donc le bilan de ce que coûte un art de vivre. Certains ont la vue sur le jardin intérieur que l'on devine à travers d'immenses portes vitrées. C'est Bologne, ce pourrait être Grenade: il y a une fontaine, des plantes grasses envahissantes et hautes. Ce n'est rien. Partout, poussez les lourdes portes des maisons du XIIIe médiéval ou des palais du seicento baroque: les jardins sont minuscules ou luxuriants mais omniprésents. Les Bolognais conçoivent mal d'autres