C'est en face. Rive droite. Etalé sur son coteau au-delà du pont
levant, Recouvrance n'est pas à Brest même. Son nom reste chargé de l'espoir de l'improbable retour de mer des disparus. De cette mémoire subsiste la croix de granit des Noyés, encastrée à l'angle d'un maison du XVIIIe située dans le raidillon de la rue de l'Eglise. Chacune des entailles dans la pierre figurerait la perte d'un marin. Douleurs, souvenirs, bordées. Recouvrance étale ses réminiscences de «rues aux maisons ravalées, dont toutes ouvrent sur la chaussée une sorte de cabaret», comme le note Mac Orlan dans les années 20. Plus de bouges, plus de caboulots, ne restent que les complaintes et leurs héros, Jean Queméneur, Fanny de Laninnon, engoisés par des générations de chanteurs. Encore des fantômes.
L'un des itinéraires préférés des Brestois amoureux de leur ville reste la route de la Corniche, qui commence par longer les portes de l'Arsenal sous Recouvrance et ourle la hauteur jusqu'à la base sous-marine et le quartier étonnant de Maison-Blanche. Là, à la limite de la campagne, un village informel de baraques se donne des airs de favelas sous un ciel d'Armor. La plage de galets est percée par un déversoir d'égout, mais qu'importe. Une petite communauté de pêcheurs et de bricoleurs plaisanciers compose un gisement de patrimoine bien vivant. Ce petit populo s'active toute l'année à bichonner ses coques de noix. La petite armada de bateaux à moteur est mouillée devant la plage, chacun à son corps mort. Les