Le 18 avril de l'an de grâce 1884, la canonnière du commodore
Augusto Lasserre débarque sur la minuscule Ile des Etats, au large du cap Horn, pour la faire profiter des bienfaits de la civilisation: il s'agit d'y construire une sous-préfecture, un bagne et un phare. Mais le climat, assez peu clément sous ces latitudes, a vite usé les nerfs des hardis pionniers, et les Patagons rembarquent avec armes et bagages en 1902. Ils laissent derrière eux le Phare du bout du monde, ultime lueur d'espoir d'une terre désolée, dans l'océan le plus sombre du globe. Les tempêtes ont eu raison de la modeste bâtisse de bois, et les navires se sont à nouveau fracassés sur les brisants de l'Ile des Etats, par 54°45'de latitude sud et 64°50'de longitude ouest.
Or, en avril 1993, André Bronner, quadragénaire finement surnommé Yul et têtu navigateur rochelais, débarque sur l'Ile des Etats et manque d'y mourir de froid et d'enthousiasme. Il marche sur les traces de Jules Verne, qui n'a eu que le temps, avant de mourir, de signer un dernier roman, le Phare du bout du monde, qui a sombré corps et biens dans la bibliographie du grand homme. L'île relève de la glorieuse commune d'Ushuaia, et Yul fonce convaincre les autorités argentines de l'urgence de reconstruire le phare. Une poignée de marins de tous les bouts du monde jugent le projet assez cinglé pour le suivre jusqu'aux tempêtes du cap Horn, et Bronner présente au Salon nautique, qui s'ouvre aujourd'hui porte de Versailles à Paris, une réplique du