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Libération

Sida: les vertus diluées de la JavelLe lavage à l'eau chlorée des seringues n'élimine pas le risque de contamination.

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publié le 10 décembre 1996 à 3h02

Utilisée pour la désinfection des seringues par les toxicomanes,

l'eau de Javel est un élément important du dispositif préventif contre le sida. Son impact psychologique et son efficacité réelle sont pourtant sérieusement mis en cause par les acteurs de terrain. A l'heure où le ministère de la Justice s'apprête à permettre aux toxicos détenus d'acheter de l'eau de Javel diluée pour limiter les risques du shoot bricolé derrière les barreaux, un rapport remis à la direction générale de la Santé fait pour la première fois le bilan contrasté des vertus de l'eau chlorée pour les usagers de drogues. Conduite par le sociologue Jean Fournié pour l'Irep (1), cette étude rappelle la persistance de la réutilisation des seringues par une large majorité de toxicomanes ­ estimés à 70% en 1992 dans un précédent rapport de l'Irep. La prophylaxie par l'eau de Javel, méthode importée des Etats-Unis, où la prohibition des seringues reste draconienne, est simple en apparence. Après lavage, le toxicomane doit remplir sa «shooteuse» d'eau de Javel, laisser agir au moins trente secondes, et ce à deux reprises, avant de rincer à l'eau courante. Le chlore est censé tuer les virus du sida et de l'hépatite C. Mais des incertitudes existent. Le mode d'inactivation du virus VIH répond aux normes américaines avec une eau de Javel à 5,01% de chlore actif. Diluée à 3,6%, la Javel française est moins efficace, ce qui supposerait un contact d'une bonne minute avec la seringue ­ dix à quinze minutes, assuren