Bruxelles envoyé spécial
Les Belges exagèrent, ancrent leur capitale ailleurs que dans sa plaine de l'Escaut, transforment les faubourgs de Schaarbeck-la-pauvre en Bronx européen et les quartiers chics des Sablons en Bel-Air du Benelux. Les Belges en rajoutent, mais Bruxelles y met du sien. Ses rues noires à deux pas de la Grand'Place étincelante, ses chantiers jamais achevés et sa place de Broukère «ministère de la bière, artère vers l'enfer» comme la chante Dick Annegarn, tout concourt à l'extrême. Leur ville, les Bruxellois l'adorent et la haïssent, fuient son centre mais tentent de le préserver des financiers et de leurs immeubles de bureaux. De temps à autre, ils quittent leurs pavillons de la banlieue d'Ixelle pour revenir boulevard Anspach protester contre la démolition annoncée d'un bel hôtel daté fin XIXe. Ces anachronismes, les Bruxellois les assument grâce à leur culte du désuet, du banal ancien, donc précieux, qu'ils adorent afficher dans leurs maisons neuves et qu'un livre classifie méthodiquement. Ces Septante Objets belges de qualité d'Ermine Herscher (1) n'est pas un simple catalogue de brocante. Il remplace un guide touristique, à condition de débusquer les produits quotidiens, antiques ou totalement surréalistes là où les Belges les font vivre ou survivre. Dans la ville la plus cosmopolite d'Europe, entre le quartier libanais d'Anderlecht, zaïrois de Matongé, wallon parfois et flamand souvent, chacun s'accroche à des racines perdues ou s'en invente de nou