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Hanoi, la tortue qui veut se faire dragonDans la capitale du Viêt-nam, le vélomoteur remplace peu à peu le cyclo-pousse. Mais, au détour des rues et des temples, surgissent parfois le passé colonial de la ville ou des légendes antiques, peuplées d'animaux à carapace.

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publié le 23 août 1997 à 7h09

Hanoi envoyée spéciale

Immanquable, l'homme au cyclo-pousse s'approche à votre insu, alors même que vous béez, perplexe, devant le flot ininterrompu de vélomoteurs qui vous barre le chemin. De deux choses l'une: ou vous refusez son invite car, même en vacances, l'urbain pressé que vous êtes ne peut que s'énerver face à toute requête ­ et c'est tant pis. Ou, à l'avance, vous savourez l'idée d'un voyage minuscule et singulier, au rythme du jarret du solliciteur. Bon réflexe: sous peu, l'expérience promise risque fort de disparaître pour cause de motorisation forcenée. Curieux de vous lover ainsi dans ce caisson à grandes roues, vous rabattez l'auvent afin d'adoucir la lumière et glissez dans un rêve éveillé. A la cadence du tour de pédale, défilent les tamariniers aux troncs blanchis à la chaux, comme le sont nos platanes du sud de la France. Fleurissent sur les trottoirs les marchands ambulants de jouets gonflables, ballons, poissons rose criard ou improbables kangourous vert pomme. Sur les étals resplendissent, ordonnés comme à la parade, les fruits du dragon, telles des grenades à ailettes rose tyrien et au coeur blanc tacheté de noir. Dans des seaux en plastique, s'alignent les tiges raides des nénuphars, aux pétales obstinément fermés.

Vingt ans après la guerre. A déambuler ainsi, le drelin de la sonnette retentissant aux carrefours périlleux, on croise, selon l'heure, papa-bébé-maman juchés sur leur vélomoteur, ou des jeunes filles aux longs cheveux noirs, droites comme