Sercq envoyée spéciale
Ballotté par les courants, le bateau frôle îlots et rochers, s'avale une grande vague du côté de Noire Pute, avant de se diriger droit sur les récifs. Le Guernesey-Sercq s'enfile dans une faille de granit et entre dans un petit port en eau profonde. Sur la jetée, la silhouette ébouriffée de Philip résiste à la bruine à côté d'un tracteur à remorque. Un coup d'oeil à l'étroite route qui grimpe à pic dans les rochers suffit à convaincre. La civilisation commence cent mètres plus haut. Sercq se mérite.
Carrioles d'antan. Au bout de la route cahotante, l'île s'apaise soudain, s'étale en un grand plateau végétal. Les roches se couvrent d'une campagne luxuriante, brillante de sel et de soleil. Le tracteur s'arrête sur une placette dite «la collinette» prolongée par une ruelle de maisons basses, en bois peint comme aux colonies. La rue s'appelle l'Avenue, c'est dire l'importance du carrefour. Philip se gare près d'une carriole attelée et annonce, en français, qu'il faut changer de monture. Monsieur Dave, le conducteur de la carriole, ne parle qu'à son cheval et en anglais. Une dame dispose un plaid sur la banquette de cuir et s'installe en soupirant d'aise. Pour ceux de Sercq, une semaine loin de l'île est toujours une épreuve. Ailleurs, il y a des gens, des voitures. Ici, 550 âmes circulent à pied, à vélo ou à cheval sur des routes non goudronnées. Les tracteurs sont la seule concession à la modernité autorisée . La carriole a fait son plein de passager