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Au coeur des chais de Cognac. La part des anges. C'est chez les petits vignerons de Haute-Saintonge, dépositaires d'un savoir-faire ancestral, que naît le cognac. Ils vieillissent eux-mêmes leur eau de vie, avant que les grandes maisons, les Courvoisier, Hennessy et consorts ne les mélangent selon leur propre recette. Tour du petit propriétaire.

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publié le 6 décembre 1997 à 15h17

Jonzac, envoyé spécial

Il fait le coup à tous ses visiteurs. Et, à chaque fois, ils n'en reviennent pas. Chez René Ouvrard, le tour du propriétaire est immuable. «Vous voyez ces toits? Ils sont rouges. Et celui-là?» questionne-t-il en montrant du doigt une bâtisse à l'écart. «Ben, il est noir», répond invariablement le citadin de passage en pleine régression cours préparatoire. Alors, René traînasse un peu avant de donner l'explication. «Ce sont les chais. L'évaporation du cognac noircit une toiture en moins de trois ans. 2 ou 3% de la production s'envole comme ça, c'est la part des anges.» Content de son effet, il entraîne ses convives à l'intérieur du lieu sacré pour une dégustation. Mais, avant le coup de grâce, il fait passer son petit monde dans une salle particulière. Elle contient l'alambic. C'est là que le cognac est distillé. A côté des trois immenses cuves en cuivre, il a installé sa chambrette. «Deux mois par an, c'est ici que je dors.» Une présence continue qui a démarré il y a quelques jours. Des nuits écourtées pour séparer la tête, le premier jus, brutal, et la queue, à peine plus forte que du vin. Entre deux, le coeur, l'eau-de-vie destinée au vieillissement. C'est lui qui deviendra cognac. «Pour savoir à quel moment de la distillation coule le coeur, il faut l'expérience. Il n'y a que les vieux qui y réussissent.»

Nuits d'automne alambiquées. Daniel Gillet, le gendre de René, dirige aujourd'hui l'exploitation. Mais, pour cette part délicate du travail, il