Gorafe, envoyée spéciale.
C'est l'Amérique sous le ciel andalou. A perte de vue, des montagnes plissées comme le jupon d'une ménine, des falaises ocre rouge et des canyons. Au milieu de ce désert, un petit groupe s'agite sur une corniche. C'est dimanche, il y a paella à l'«hotel Zorro». Zorro, comme renard en espagnol. La grotte, élevée au rang d'hôtel, est un discret rendez-vous de chasseurs, à une heure de route du village. José et Enrique s'engueulent autour du feu: «Coño, tu y as encore mis trop d'eau.» Enrique saupoudre de riz le bouillon de calamars et de poulpes. José rajoute quelques branches d'amandier sur le feu. Frisottis dans la grande poêle noire. Un chien andalou finit un verre dans un coin. A l'écart, un perdreau en cage cacabe comme un forcené, tout à son rôle d'appeau. Il appartient à José, qui en fait l'élevage à Gorafe après avoir tenu un bar à Barcelone. Les cuillères plongent dans la poêle, la paella est estupenda, la bière, une Alhambra. Manu el frances fait passer des photos. Le château arabe de Guadix tel qu'il était avant que les Catholiques n'en fassent un pauvre jardin public, la cueva qu'il retape quand il revient de France. Un homme attrape une carabine et mitraille l'horizon, cet ailleurs qui arrache les hommes à la terre. Le perdreau s'est tu. On fume en regardant le soleil décliner. Le bonheur est dans la sierra.
Au temps almohade. Le bout du monde, on y arrive toujours un peu par hasard. Ce n'est pas le Génois le plus célèbre de la région, ce