Dolpo, envoyé spécial.
Le dernier bruit de moteur est reparti avec le petit avion qui vous dépose sur un champ caillouteux en pente douce, au flanc d'une vallée abrupte. Et là, encore étourdi par le voyage et le brouhaha de Katmandou, on retrouve ses oreilles. Un village, ici, s'entend avant de se découvrir, quelques lacets de sentier plus haut. Tipla, à l'écart dans une vallée perchée à 2 800 mètres d'altitude, là où descendent les premières neiges, c'est un chapelet de sons volant dans un vent aigre: voix d'enfants, cris et sifflements d'un berger, rythmique d'une cognée, meuglements des petites vaches noires" Sur le sentier, la vie va, bruissante. Il y a le trottinement discret d'un porteur qui passe, des bribes de chant, mots joyeux pour accompagner l'effort; et au bord d'un torrent, comme un grondement d'avion à réaction, l'harmonique puissante des galets roulés dans un gué.
A l'abri des flux de la mousson, au nord de la barrière du Dhaulagiri, est le Dolpo, l'aride et froid «pays caché», où les hommes se sont battus pour survivre. Une légende raconte que ses habitants descendent d'un singe, ou plutôt d'un sage qui pour s'en aller méditer dans les montagnes avait pris cette forme, et d'une démone qui, séduite, menaça de dévorer tous les êtres vivants s'il refusait de vivre avec elle. Le singe, ayant demandé conseil au Bouddha, accepta. De cette union naquit une nombreuse descendance qui hérita du père, la compassion et l'habileté dans les discours et de la mère, la ruse,