«Madame, vous portez en vous la vie et la mort.» Deux foetus de
quatre mois. Le professeur explique que le mauvais, hydrocéphale, peut mourir d'un moment à l'autre, et tuer le bon. Au pire. Au mieux, il naîtra sans vie. Sylvie R. avait 25 ans à l'époque, un petit garçon de 3 ans. Elle et son mari travaillaient comme ouvriers. Ils vivaient dans leur maison avec un grand jardin. «Je ne savais plus ce que j'attendais. A l'hôpital, j'étais un cobaye, on ne me parlait pas. Ils appelaient les étudiants à chaque échographie. "Vous voyez, là le foetus sain, là le foetus malsain. Je pleurais comme une madeleine.»
Les deux jumelles, vraies jumelles, ont aujourd'hui 6 ans. Maud, la «saine», qui vit avec sa mère. Hélène, celle qui était promise à la mort, «cliniquement morte», avait affirmé le professeur au réveil de l'accouchement. Après un an et demi passée en pouponnière, Hélène a été adoptée en 1993. A sa mère qui la réclamait, la cour d'appel de Rennes a dit non. Brutalement: «Mais on marche sur la tête! Nous sommes ici parce que le corps médical n'a pas tué cet enfant selon les souhaits de cette dame», lui a assené le procureur. Dans un sens, c'est vrai. Sylvie R. avait demandé un avortement thérapeutique sélectif refusé puis un geste euthanasique à la naissance. En première instance, les juges, compatissants, s'étaient dispensés de ce rappel. D'autres avaient pourtant eu les mots qui détruisent. Une inspectrice de l'aide sociale: «Madame R., vous ne pensez qu'à vous.» Et les