Ça marche comme sur des roulettes. Tous les vendredis soirs, des
centaines d'accros du roller se rassemblent place d'Italie pour traverser Paris. Leur grande virée hebdomadaire et nocturne existe depuis septembre 1993. Son point de départ n'a pas varié, à 22 heures, sur le parvis du centre commercial Grand Ecran. Cette nuit-là, ils seront près de trois cents, deux fois moins qu'aux meilleures heures de l'été mais en progression constante depuis les débuts.
Edmond le vétéran. L'un après l'autre plus souvent qu'en groupes, les habitués anonymes gagnent le grand carrefour du XIIIe arrondissement. Ils sont déjà en tenue quand ils grimpent en équilibre les quelques marches de la dalle et commencent à tourner, pour s'échauffer, distribuant les saluts aux compagnons de route les plus emblématiques. Le vétéran s'appelle Edmond, il a 66 ans et habite Montmartre. Cette balade du vendredi est le grand rendez-vous de sa semaine. Il roule quotidiennement pour y tenir place, se flatte d'être de ceux qui ont lancé l'opération: «On utilisait le roller au quotidien, mais rarement la nuit. Comme on voulait faire des parcours à travers Paris, il fallait qu'on se regroupe.» A l'époque, ils sont alors une dizaine, guère plus, qui donnent le tournis aux passants et ouvrent leurs week-ends par une longue glissade sur les trottoirs de la capitale. L'engouement ne va pas tarder.
Bientôt cent, deux cents, leur meute doit descendre sur la chaussée et se coltiner les réactions vicelardes de certains taxis