L'homme ne répond pas à la question? Il ne faut pas être surpris.
Mais plutôt se demander si l'on n'a pas oublié d'y mettre les formes. A la Martinique, les signes extérieurs de politesse sont d'une extrême importance. Et le souvenir de l'esclavage est d'hier, ses traces partout.
Canal de Beauregard. Gare au vertige! Les pieds, sur un rebord en pierre de 60 centimètres de large, surplombent à gauche un vide de 40 mètres qui se creuse parfois jusqu'à 130 mètres. Au fond, un torrent qu'on imagine limpide et frais. A droite, le canal présente une onde rapide, fluide. Sur son flanc, un crabe de terre jaune se promène, ses immenses pinces dressées. Faut-il avoir peur du vide ou des mâchoires du molosse encarcassé? Ridicule. Après un moment d'hésitation, la voix du guide ramène à la raison. «Il faut avancer doucement, mettre un pied devant l'autre" et recommencer.»
Le canal de Beauregard n'est décidément pas une promenade ordinaire. A 20 kilomètres au-dessus de Saint-Pierre, la ville martyre de la montagne Pelée, les maîtres des plantations de canne à sucre firent construire, en 1760, une conduite destinée à l'alimentation des moulins à canne des distilleries. Des centaines d'esclaves furent utilisés à bâtir cet «ouvrage d'art» dévalant sur 7 kilomètres, du joli village bâti en amphithéâtre de Fonds-Saint-Denis jusqu'au Carbet, les pieds dans la mer des Caraïbes.
D'autres le nomment le «canal aux esclaves». En pierres volcaniques liées à la chaux, il sert encore aujourd'hui à l'irri