Ce n'est pas gai mais c'est chiffré: les Français se parlent de
moins en moins. En 1997 comme en 1983, l'Insee a décompté les conversations hebdomadaires. Et en quinze ans, toutes les bavettes ont été retaillées à la baisse: moins 12% de salariés qui ont eu au moins une conversation non professionnelle avec un collègue (72% contre 82%), moins 26% de parlotte avec les commerçants (43% contre 58%), moins 17% avec les amis (66% contre 78%), moins 7% avec le voisinage (51% contre 55%) et la parenté (73% contre 78%). Le sujet est moins frivole qu'il n'y paraît: ces baisses révèlent une certaine évolution de la société. Les deux auteurs de l'étude (1) avancent en effet des hypothèses d'explications passionnantes et déprimantes: moins de conversation au travail serait le résultat de «la hausse du recours aux divers contrats de courte durée». Avec ces collègues, pas facile d'avoir «des relations, cela requiert du temps». Le «durcissement du marché du travail» fait le reste: «La réduction des temps morts au sein des entreprises contracte encore le temps pendant lequel il est potentiellement possible d'établir des contacts.» Au chômage, on perd «environ deux interlocuteurs par semaine» et les hommes souffrent plus, avec une diminution supplémentaire de leurs contacts familiaux. Mais moins de conversations avec la famille, surtout éloignée, serait aussi le signe de la «mobilité géographique». Et moins de conversations avec les commerçants, celui du «développement des grandes surfaces»