C’est fou ce qu’ils ont l’air en vacances, ces gens du Routard. On les trouve dans une maison sur rue pavée, charmante, qui donne le sentiment d’entrer chez quelqu’un. Pas de plaque, pas de comptoir d’accueil. D’ailleurs, Philippe Gloaguen, le patron, carré au fond d’un canapé que pas mal de ses lecteurs ont dû acheter chez Pier Import pour leur salon, explique comment il gagne sa vie depuis vingt-cinq ans d’une phrase qui renforce le soupçon: «Pour choisir nos destinations, on part des voyages qu’on aurait envie de faire.» C’est pas plus compliqué. Ils font comme tout le monde: les autres aussi, pour les congés, il essaient de partir «des voyages qu’on aurait envie de faire». Mais en général, ça ne leur rapporte rien, ça leur coûte. Alors, que les Routard, avec cette approche, ont vendu 1 900 000 guides en 1997, déclinés en 75 titres. Le plus beau succès de cette branche d’édition, tout simplement. Sans travailler?
Méthodologie. Le manuel interne qui est distribué aux pigistes appelés à écrire les guides affirme le contraire. On peut y lire en préambule: «Bonjour, vous avez été sélectionné pour partir en voyage en France ou à l’étranger pour réactualiser tout ou partie d’un guide. Non, ce ne sont pas des vacances! Il s’agit d’un vrai travail.» Et le reste le confirme, parce que sur la cinquantaine de pages du manuel, méthodologie et conseils pleuvent dru sur le dos du pigiste, ne lui épargnant ni la couleur des cinq feutres à emporter («noir, bleu, rouge, vert et marr