Tiens, il fait frais. Étrange, ce passant qui porte une doudoune. Ou
bien cet autre qui a enfilé un pull par-dessus son sarong. Hormis ce coin de montagne, partout ailleurs, c'est la fournaise, l'humidité collante de la jungle. Ici, la température dépasse rarement les 20 ° C. Le soir, des brumes londoniennes montent à l'assaut des montagnes recouvertes d'un manteau vert. Il y a des cottages, des potagers. Les colons britanniques avaient fait de l'endroit une maquette grandeur nature de l'Angleterre, une terre de villégiature pour parties de cricket. Le lieu est resté célèbre pour son thé. Le thé de Ceylan. Sir Lipton en fit l'«or vert» du Sri Lanka, l'«Ile pure» ainsi rebaptisée en 1972, un quart de siècle après son indépendance. Dans la région de Nuwara Eliya (prononcer «Niourelia»), en plein coeur du pays, les plantations s'étendent à perte de vue, plongent en terrasses successives du haut des montagnes jusque dans la vallée. Au milieu d'eucalyptus, de jacquiers, d'acacias, de bananiers et de pins, le thé pousse sous forme de petits arbustes lumineux, régulièrement taillés (à l'état sauvage, ils dépassent les 10 mètres de haut). Entre deux rangées, les cueil-leuses progressent lentement, par groupes de trois ou quatre. On ne peut pas les manquer: leurs saris roses, bleus ou jaunes projettent des taches de couleur éclatantes sous le soleil. Une serpette dans une main et une hotte en osier sur le dos, les femmes coupent le bourgeon et ses deux premières feuilles. Rien d'aut