Passant par le pays génois, Audiger ramena une cagette de petits
pois au roi de France en 1660, qui firent tellement sensation que, trente-six ans plus tard, Mme de Maintenon put écrire: «Le chapitre des pois dure toujours" c'est une mode, une fureur.» La Quintinie eut ordre de les cultiver de toutes les manières dans le potager royal. L'auteur d'une comédie jouée en 1697 fait une relation entre cet engouement et une inclination plus générale pour les jeunes pousses: «La nouveauté fait la folie des Français. Ils préfèrent les pois verts aux pois secs, la gazette nouvelle à la vieille, et les filles de quinze ans aux mères les plus expérimentées (1).» Trois siècles plus tard, les quelques semaines printanières qui voient éclore les légumes en primeur sont toujours une bénédiction pour le gourmet. Sucrés, croquants, les légumes se suffisent alors à eux-mêmes. Il est difficile de surclasser des petits pois cuits en cocotte sur feuilles de laitue, avec quelques lardons et petits oignons, auxquels on aura ajouté des côtes de laitue à la fin (ou de romaine, plus croquantes). Une autre simplissime démonstration en est un plat que nous appellerions volontiers «couscous de printemps». La semoule est cuite à la vapeur après avoir été (c'est là le secret du couscous) convenablement mouillée à l'eau froide. Égrenée les mains enduites d'un peu d'huile d'olive, elle repasse à la vapeur au moment de servir. Abondamment beurrée, bien salée, et non moins assaisonnée de cannelle, elle est su