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A la recherche d'Alexandrie. A-t-on rêvé la cité antique et mondaine? Fantômes, vestiges, villas"" tout est encore là, enfoui sous la terre, sous l'eau.

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publié le 3 octobre 1998 à 13h17

Alexandrie, envoyé spécial.

I l y a deux types de voyageurs. Ceux qui cherchent dans la réalité une confirmation de leurs lectures. Et ceux qui ne veulent rien savoir pour être mieux surpris. Le paradoxe d'Alexandrie veut qu'on y rencontre surtout les premiers mais que seuls les seconds s'y plaisent vraiment. Car Alexandrie, ça n'existe pas. Plus qu'une ville, c'est un palimpseste. Un texte enfoui sous les strates d'une mémoire écrasante, un mythe que l'on parcourt fiévreusement le nez collé à un livre: de Cavafy, Forster, Durrell, Strabon" au choix.

Lorsqu'en 640, Amr Ibn al-Aass conquit la ville, il dit y avoir trouvé «4 000 palais, 4 000 bains, 400 théâtres et 40 000 juifs». Lawrence Durrell, le plus galéjeur des écrivains anglais, prétend qu'il y a encore soixante ans, «cinq races, cinq langues, une douzaine de religions» cohabitaient dans ce «grand pressoir de l'amour». Avaient-ils rêvé? De l'Alexandrie antique, celle de Strabon, de Cléopâtre et des martyrs chrétiens, seule reste la colonne Pompée. Quoi d'autre? Les jolies catacombes de Kom al-Chogafa inondées par les eaux souterraines, le théâtre romain près de la gare, le musée gréco-romain au charme désuet, etc. Tout est encore là" mais à cinq-dix mètres sous terre, sous l'eau.

Le décor de Lawrence Durrell n'abrite plus que des fantômes. Comme la villa où il vécut, cette Alexandrie-là est en sursis, menacée par les bulldozers des promoteurs. Les beaux immeubles début de siècle du centre se sont transformés en temples