Triora, envoyé spécial.
La mer n'est pas loin, la haute montagne toute proche. Les voisins français sont vraiment des «cousins» et les compatriotes italiens, visiteurs d'un été ou d'un week-end, presque des étrangers. La vallée de l'Argentina est coincée entre le Piémont et la Riviera qui va de Vintimille à Gênes, mais ses habitants se disent aussi volontiers citoyens de la tera brigasca. Les dictionnaires et les administrations taisent cette vieille nation sans Etat, à cheval sur les deux pays, ignorant superbement la frontière officielle séparant les Alpes-Maritimes des "Alpe marritime". Au fond de la vallée, au village de Verdeggia, le seul panneau d'informations vous indique ainsi que vous êtes «ben arivaï en tera brigasca». Prétendrait-il que vous êtes rendus au paradis que bien peu songeraient à le contester. La route ne va pas plus loin. Elle est partie cinquante kilomètres plus bas des plages d'Arma di Taggia, ville balnéaire sans charme à mi-chemin de San Remo l'assoupi et d'Imperia l'industrielle, mais au fil des virages incessants on a vite oublié cette vilaine portion du littoral au lustre fané. Comme tous les villages de la région, Verdeggia est un bouquet minéral perdu dans un océan de verdure. De décembre à mars il pleut beaucoup, neige un peu, et l'été le cagnard tape, alors ça pousse. La vallée est à la croisée des brises de sirocco et des bourrasques alpines. Au pied du village, sous les rayons du soleil, on cultive en terrasses le légume méditerranéen. Pl