Si l'on apprend à son invité que le ragoût qu'il vient de déguster
est en fait composé de chien (apprécié en Extrême-Orient) ou de chenilles (mets de roi en Afrique), il risque bien de se précipiter vers la salle de bains. Mais des visiteurs australiens à qui on proposerait du lapin auraient une réaction aussi forte. Le dégoût est une question de vie ou de mort. Vomir une herbe empoisonnée, c'est vital. Mais aussi refuser, pour un Anglais, les cuisses de grenouille ou, pour un Français, les criquets frits (les bonbons des bambins au Maghreb), c'est affirmer son appartenance à une communauté. Or, l'appartenance à une communauté, c'est bien une question de vie ou de mort. Dans un réflexe archaïque. Heureusement, avec le déclin des religions et l'élargissement des goûts alimentaires, ces dégoûts ont tendance à s'estomper. Prions que les batailles idéologiques contre le Coca ou le McDo ne nous fassent pas oublier que nous sommes des citoyens du monde. Le docteur France Bellisle, chercheur en biologie au CNRS et à l'Inserm, est spécialiste des comportements alimentaires.
Comment se forment les a priori?
On forme une catégorie mentale qui s'appelle le dégoût très tôt. Entre 2 et 5 ans, quand la mère dit: «C'est dégoûtant.» Les excréments par exemple, c'est dégoûtant. Mais aussi les insectes. On ne mange pas les mouches! Pourtant, il existe des sociétés où l'on mange des insectes. De manière générale, les produits animaux sont bien plus susceptibles d'être dégoûtants que les végétaux