Nul besoin de se tordre la cheville en franchissant la porte du bureau ou de se blesser en manipulant une machine pour être considéré comme un accidenté du travail. Par un arrêt rendu le 1er juillet, la Cour de cassation a admis que Lucien, victime d'une dépression nerveuse, avait subi un tel accident. Le 7 janvier 2000, son supérieur direct le convoque pour un entretien d'évaluation. Il lui signifie qu'il doit faire ses preuves, lui reproche de ne pas s'imposer physiquement face à son équipe. Lucien est dans l'entreprise depuis vingt-sept ans et chef de poste depuis onze ans. Il a toujours été bien noté. Subitement, il apprend qu'il va être nommé agent de maîtrise complémentaire et séparé de son équipe. Deux jours plus tard, il est mis en arrêt de travail pour «douleur morale gravissime» ayant «entraîné une dépression nerveuse invalidante et traumatisante avec atteinte profonde de la personnalité et déstabilisation spirituelle après entretien négatif avec son chef de service».
Au printemps 2000, la caisse primaire d'assurance maladie de Dordogne ne reconnaît pourtant pas l'accident de travail. Lucien saisit la justice et obtient satisfaction devant la cour d'appel de Bordeaux. D'après un expert cité, sa dépression nerveuse est la conséquence directe et exclusive de l'entretien d'évaluation. Et, selon les juges, les reproches et la dépossession de son équipe ont pu être interprétées comme une sanction, Lucien ne pouvant imaginer de telles mesures à son égard. La Cour de cassa