Menu
Libération
Interview

«Depuis les années 60, la France est lipophobe»

Article réservé aux abonnés
par
publié le 5 novembre 2003 à 1h43

Notre société est «lipophobe» : elle ne supporte pas les bourrelets. Toute la journée d'hier, des historiens, des sociologues, des anthropologues, des psychologues et des nutritionnistes ont débattu autour du thème «corps de femmes sous influence» à l'occasion d'un colloque qui s'est tenu au palais de la Découverte, à Paris, à l'invitation de l'Observatoire Cidil de l'harmonie alimentaire (1). Parmi les intervenants, Jean-Pierre Corbeau, professeur de sociologie à l'université de Tours, soutient que la légèreté est devenue, depuis quelques années, synonyme d'efficacité sociale.

Comment expliquer cette «lipophobie» ambiante ?

Autrefois, le gras exorcisait une famine possible. Aujourd'hui, il est associé à une mollesse potentielle. Le seul gras acceptable est celui que l'on se passe sur le corps : les pommades, les émulsions. Il sert à exorciser les agressions venues de l'extérieur. On ne supporte plus le gras qui se loge sous l'épiderme. Le basculement a eu lieu quand la France est devenue urbaine. Depuis la fin des années 60, la France est lipophobe. Hommes et femmes s'allègent dans une logique d'unisexualité. L'androgyne devient un modèle de beauté et d'efficacité sociale. On n'en est pas encore sortis. Regardez Ally McBeal : l'actrice est maigre, son personnage incarne une femme à responsabilités qui nie ses formes féminines dans une logique d'efficacité et de productivité. Son corps se réduit à sa structure même : le squelette.

La recherche de la maigreur est-elle un phénomè