«Je vous donne les gens de Limoges pour aussi fins et polis que peuple de France.»
Jean de La Fontaine, Voyage de Paris en Limousin, lettre VI.
«Limoges-Bénédictins !» Que de fois ai-je entendu cette annonce résonner sur les quais de notre gare. Elle ne laissait pas de m'étonner, de m'amuser, voire de me faire rêver. Où étaient-ils passés ces moines dont la cité de Saint-Martial continue de se réclamer ? Limoges-Bénédictins, quand on venait de Toulouse ou de Paris ! Mais si l'on arrivait des Charentes, c'est-à-dire de l'ouest, de la mer, ou tout simplement d'Angoulême, une autre gare, fort modeste celle-ci, vous accueillait sous le vocable Limoges-Montjovis (qui serait le mont de Jupiter, à moins qu'il ne fût le mont joyeux ou jovial) : une gare pour Limoges la chrétienne, une autre pour Limoges la païenne. On voit combien le «s» final est justifié pour le nom de cette ville plurielle. A mes yeux d'enfant, les différents quartiers étaient autant d'agglomérations différentes. Ainsi, la rue Bernard-Palissy où j'habitais et qui menait au musée Adrien-Dubouché, aux terrasses du jardin d'Orsay et, au-delà, aux «beaux quartiers», cette rue en ville haute me semblait appartenir à un autre espace et même à un autre temps que ceux du faubourg d'Ambazac, en bas, derrière la gare. Ce faubourg gris et noir des cheminots, où vivaient et travaillaient mes grands-parents au fond d'un jardin, m'était, chaque jeudi et chaque dimanche, promesse de liberté et «vert paradis des amours enfantines»