Londres, de notre correspondant.
La pinte de stout est orpheline. Dans les salles obscures, chaleureuses et bruyantes de la république d'Irlande, des volutes blanches accompagnaient presque inévitablement la bière brune et sa mousse crémeuse. Plus maintenant. Depuis hier zéro heure, il est interdit de fumer dans tous les «lieux de travail fermés», pubs compris. Cette mesure sans précédent dans l'Union européenne constitue une petite révolution dans un pays si attaché à ses débits de boisson, de ballades poétiques et de tabacs. Le Premier ministre Bertie Ahern s'est félicité du «legs de santé» qu'il laissait aux générations futures. Mais nombre de ses concitoyens dénoncent une loi digne de la Prohibition, qui porte atteinte à l'un des piliers de la culture irlandaise. «James Joyce ne serait jamais venu ici s'il n'avait pas pu griller une cigarette», a ainsi déclaré le patron d'un des lieux favoris de l'auteur d'Ulysse, le Davy Byrnes dans le centre de Dublin.
Pour contourner l'interdit, plusieurs bars ont installé sur leur parking des bus réservés aux fumeurs ou acheté des appareils de chauffage extérieur. L'ambassade cubaine a accepté d'accueillir la réunion annuelle de l'association Cigar Club of Ireland afin de lui faire bénéficier de son immunité diplomatique.
Les accros de la cigarette pourront toujours se réfugier en Irlande du Nord, la province voisine soumise à la législation britannique, qui, pour cause de troubles, s'adonne autant au tabac qu'aux antidépresseurs.
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