Chaque année, il se vend deux millions et demi d'exemplaires du Guide du Routard. Mais, parmi ces acheteurs, combien peuvent encore se prétendre les héritiers de Jack Kerouac et de son livre Sur la route ? C'est ce best-seller, paru en 1957, qui signe l'acte de naissance d'une nouvelle génération de touristes : des jeunes Occidentaux qui prennent la route comme on entre en religion. Pour eux, le voyage est un véritable mode de vie et surtout une remise en cause de l'ordre moral et social des pays dont ils sont issus, guerre du Vietnam et Mai 68 aidant. Inspirés par les hobos, ces saisonniers américains qui sillonnaient le pays dans les trains de marchandises, les routards font à leur façon voeu de pauvreté avec un sac à dos pour tout bagage et des petits boulots pour financer la suite.
Aujourd'hui, à voir les entrées d'autoroutes désespérément vides d'auto-stoppeurs, on peut se demander si ces «clochards célestes» ne sont pas une espèce en voie de disparition ou, en tout cas, de mutation. Entretien avec Franck Michel qui, dans son ouvrage Voyage au bout de la route (1), analyse le phénomène «routard».
En quoi le routard contemporain a-t-il changé ?
Les routards ont été et restent des touristes expérimentaux, c'est-à-dire ceux qui fréquentent les premiers des lieux qu'emprunteront plus tard les trekkers, les vacanciers, bref les touristes. Mais plus le routard quitte la misère et plus il ressemble au touriste, et de nos jours la différence est devenue ténue. Le touriste consomme