Une étudiante qui vous tire une jolie langue en chocolat, un jeune homme qui évide une carotte pour en faire un étui à concombre, et un enseignant-designer qui drape des rideaux de jambon de Parme. Ces mets-objets excitants sont accommodés à l'école supérieure d'art et de design de Reims (1), où, en 1999, Marc Brétillot a imaginé un atelier de «design culinaire» (Libération du 13 septembre 2002). A ne pas confondre avec la tradition de «décoration» portée par chefs et pâtissiers internationaux depuis quelques siècles.
Ergonomie. Avec le «design», la nourriture est travaillée comme un matériau, différent du bois certes, car il est périssable et doit être consommable. Les composants alimentaires sont moulés à l'égal du plastique. Réinventer des outils ou explorer l'ergonomie du manger (piquer, cueillir, à table et à terre), c'est un des axes de cette recherche. Mais si Brétillot enrichit soudain le champ de la gastronomie, ce n'est pas seulement dans un exercice formaliste. C'est qu'il rappelle sans cesse la spécificité de cet art, le seul que l'on avale : «On devient ce que l'on mange.» Ce qui peut susciter du rejet, mais le vocabulaire gourmand le fait oublier en exaltant les cinq sens. S'appuyant sur la «dramaturgie» de cette attraction-répulsion de la nourriture, Brétillot invente des outils de cuisine, des objets à croquer et des scénographies de banquets, ne craignant pas d'être un équarrisseur d'usages figés comme une vieille sauce. Sans recette, il déconstruit et recomp