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Libération

Prénoms: on ne dit plus non

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publié le 1er novembre 2004 à 2h49

Mélanie, c'est joli. Mélina aussi. Aux oreilles françaises, ça fait nettement plus grec (meli, melitos, le miel), à cause de la chanteuse Mercouri. Mais Mélanie aussi c'est grec (de melas, melanos, «de couleur noire» qui a donné melania) mais, là où ça se corse, c'est que melania signifie «excréments noirs, noirceur, malheur». Pour tout arranger, quand un Libanais prononce melanie cela désigne une grosse femme, un «thon».

Il faut donc croire que ce 12 juillet 2003 Franck et Josette, d'origine libanaise et de confession grecque orthodoxe, avaient vraiment la tête ailleurs ou que leur langue a fourché. Ils pensaient à Mélina, et vlan, l'état civil a enregistré Mélanie. Dès le lendemain, ils s'en mordaient les lèvres. Au juge, ils ont expliqué que Josette avait accouché bien avant terme et qu'ils avaient été pris de court. Dans l'intérêt de l'enfant, «élevée dans une famille et une communauté confessionnelle où son prénom est synonyme de grossièreté, de malheur et peut-être d'injure», le tribunal de grande instance de Lille a accepté de remplacer Mélanie par Cynthia (du grec Kynthia, l'un des surnoms d'Artémis, qui obtint de Jupiter de garder une virginité perpétuelle).

Manufacturés. Xavier Labbé, qui a publié la décision (Recueil Dalloz, 2004, n° 37), en est un peu chagrin. Si le juriste ne conteste pas le jugement, il estime paradoxal que des parents français puissent attribuer en toute liberté un prénom étranger à leur enfant français ­ il pense à Mahmoud, Lech, Peter, on pour