«Cinquante mails depuis ce matin», dit William. «180 en une heure», renchérit Pierre... «Stop ! Pitié !» supplie Valérie. Quand des centaines d'internautes harcelés par les mêmes mails se mettent à s'échanger des mails sur leur harcèlement, ils démultiplient le harcèlement dont ils se plaignent. Mais ils peuvent aussi se vivre comme une sorte de communauté de harcelés, voire comme le dit l'un d'entre eux, «un super club d'inconnus». Et subir avec délectation cette avanie électronique.
C'est l'aventure que vivent depuis quelques jours les victimes de Native, une société de production audiovisuelle dont le serveur mal paramétré réexpédie automatiquement tous les mails qu'elle reçoit à l'ensemble des gens qui sont dans son carnet d'adresse. Et comme celui-ci est épais... Ces derniers reçoivent en de multiples exemplaires à la fois les suppliques de ceux qui prient pour qu'on les désactive et les échanges alors générés entre les différents internautes. Autrement dit, tout le monde spamme tout le monde. Et personne n'arrive à se désenchaîner. Au début, ne comprenant pas ce qui arrivait, les invectives allaient bon train. Et l'on pouvait lire de poignants appels du type : «Mais pourquoi m'insultez-vous, je ne vous ai rien envoyé et suis moi-même victime de vos mails.» Puis avec le temps, le ton a changé. On s'appelle par son prénom. Et quand quelqu'un demande : «Peut-on me dire comme on débranche ce robot à la con ?» les conseils techniques fusent. Certains ont essayé de contacter