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Libération

En croisade contre les pattes de mouche

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publié le 29 mars 2005 à 1h12

Au tableau, des lignes de a, de b, de c méticuleusement dessinés, des f fins et aériens, des p parfaitement posés. Dans la salle, stylo en main, on débat de l'absurdité du t majuscule, de la nécessité de supprimer la boucle basse du f. C'était il y a quelques jours, à Rouen, un colloque sur l'écriture à l'école rassemblant graphistes et membres de l'éducation nationale. Un colloque alarmiste. «Un collègue m'a envoyé cinquante photos de mains d'élèves de CM2 en train d'écrire , c'est abominable», confie un inspecteur, qui, comme s'il livrait des informations classées secret défense, réclame l'anonymat. «Un élève de CM2 sur deux a une écriture complètement déstructurée. Aucun enseignant d'aujourd'hui ne sait apprendre à écrire. C'est un élément important de l'échec des élèves en sixième.»

«Bricolage». Pattes de mouche indéchiffrables dès le CE1, gribouillis répugnants au collège, la liste des plaintes est longue. Comment en est-on arrivé là ? La faute à Mai 68 et au stylo-bille. «Prenez un courrier manuscrit. Si les lettres sont impeccablement tracées, fines et bouclées, vous déduisez qu'il s'agit d'une personne âgée, explique Jean-François Porchez, typographe et créateur de caractères. Avant la guerre, l'instituteur consacrait de longues heures au dessin des consonnes et voyelles.» Dès les années 60, ça se gâte : une circulaire de l'Education nationale autorise le Bic. «Un roulement à bille sans aucune direction», regrette Jean-Louis Estève, professeur à l'école Estienne des a