«C'est Bécassine avec ses ballots quand je voyage, aussi bien en train qu'en voiture. Mes voitures ont toujours ressemblé à des camions de chargement... Autrefois, quand on avait la maison en Irlande, je partais avec mes casiers à crevettes, du gros sel pour conserver les poissons qui servent d'appât pour les homards, de l'huile d'olive parce qu'on n'en trouve pas là-bas, des pommes de terre dignes de ce nom en bonne Bretonne que je suis, etc. Il m'est même arrivé de me retrouver dans l'avion avec mon filet à crevettes à la main. Maintenant que mon mari est mort, je ne pêche plus et j'ai vendu la maison. Donc, je passe l'hiver dans ma maison d'Hyères et l'été en Bretagne, en laissant une voiture sur place. A mon âge, je ne veux plus faire la route ni porter de valises, donc je fais voyager mes bagages pléthoriques avec la Sernam. Evidemment j'emporte des milliers de choses inutiles, chaussures légères et bottes de pluie, vêtements d'été, d'automne, d'hiver parce qu'en Bretagne on ne sait jamais, vieux chandails confortables pour écrire j'écris sur la vieillesse, en ce moment , des livres qu'il faut absolument que je lise puisque je suis jurée au prix Femina, quelques jolies tenues pour ne pas qu'on dise dans le village «ah, elle a pris un coup de vieux». Mes produits de beauté voyagent avec moi, mon maillot de bain aussi, pour pouvoir me baigner tout de suite si les bagages ont du retard. Tout comme mon journal dont je ne me sépare jamais, mon ordinateur tout neuf dont je
Au fond du sac.
Benoîte Groult «Dans l'avion avec mon filet à crevettes»
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par Emmanuèle Peyret
publié le 5 août 2005 à 3h12
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