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Libération
Critique

Sandwich et Godillot, pères de noms communs.

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Un dico des porteurs de patronymes entrés dans la langue.
publié le 28 octobre 2005 à 4h17

Le comte de Sandwich (1718-1792), amiral anglais possédé par le démon du jeu, était à ce point accro qu'il refusait d'interrompre une partie pour se nourrir. A cours de persuasion, son cuisinier lui servit ses repas entre deux tranches de pain, et le comte put mâcher tout en continuant à miser. Friedrich Doberman, employé de la fourrière d'un village de Thuringe, en Allemagne, s'ennuyait. Jusqu'à l'idée miracle pour pimenter son quotidien: organiser des saillies entre chiens. Unions de plus en plus sélectives, qui aboutirent, en 1860, aux chiots parfaits dignes de porter son nom.

Leurs vies ont sombré dans l'oubli, leurs noms sont devenus célèbres. Avec son Dico des noms propres devenus noms communs, le linguiste Jean Maillet ressuscite Etienne de Silhouette (1709-1767), contrôleur des finances réputé pour ses coupes budgétaires qui réduisirent «à des formes très fines» les privilèges de ses ennemis. Il fait revivre Madeleine Paumier, «soubrette» de son état, qui, un soir de 1755, sauva un dîner en cuisant des petits gâteaux bombés.

L'intérêt est historique, sémantique et ludique: l'auteur part à la traque de récits singuliers cachés derrière les mots qui nous semblent triviaux. Sous nos godasses, il réveille Alexis Godillot, grand industriel de la chaussure; entre deux couches de frangipane, débusque le marquis italien de Frangipani qui, pour sentir bon, se vaporisait d'essence d'amande amère. Le domaine culinaire est l'un des plus riches. On y croise le marquis Louis de Béch