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Libération
Interview

«Le noir est une couleur caméléon»

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publié le 15 novembre 2005 à 4h34

«Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir», chantait Johnny à la grande époque des blousons de la même couleur, voyous, rebelles en rupture. Noir du désespoir, de la révolte ou de l'anarchie, noir de la mélancolie, du diable, de l'enfer, de la mort, noir des grands mythes et de la religion : les codes du noir s'élargissent au cours du siècle dernier. Au fil du temps, la couleur devient paradoxale, à l'image de notre société. Sur la piste de ce noir singulier avec Annie Mollard-Desfour, linguiste et auteur d'un formidable dictionnaire du noir qui vient de sortir, préfacé par le peintre Pierre Soulages (1).

Vous dites que le noir est la couleur sémantique du XXe siècle. Comment évolue-t-elle en cent ans ?

Le noir englobe aujourd'hui une large gamme de significations, de codes sociaux qui se sont mis en place au siècle dernier. En particulier grâce à la mode vestimentaire qui a fait passer le noir de l'austérité, du deuil, de l'effacement, du classicisme, au noir élégant, luxueux, provocant ou lié à la rébellion. Du noir «féminin», de la petite robe créée par Chanel dans les années 20, évocatrice d'élégance discrète, à celle portée par Piaf ou diverses dames noires (Rykiel, Barbara). Voyez encore le tailleur-pantalon d'Yves Saint Laurent, qui a proposé une image de femme émancipée, portant pour la première fois un vêtement masculin, par la forme et par la couleur, puisque la femme du XIXe siècle était habillée de couleurs ou de blanc, sauf pour le deuil. C'est encore le noir rebel