Sans chercher à émouvoir, le sort du fumeur contemporain n'est plus du tout enviable. Le monde entier s'est ligué contre lui : prix des cigarettes, campagnes de santé publique, hostilité des restaurateurs, guérilla orchestrée au sein de la famille... Le fumeur est de nos jours une bête traquée. Et il est bien seul, situation qu'on ne souhaite à personne, même pas à son pire ennemi. Celui qui a fait l'expérience d'oublier une journée son briquet le sait : très rares sont ceux qui peuvent encore aujourd'hui lui porter secours. Quant à taxer une clope, autant dire que la requête appartient à un autre âge. Vu le cours de la cigarette, ceux qui osent encore demander l'aumône passent pour des goujats.
Mais il y a encore plus grave. Ostracisé au bureau, interdit de couloirs de métro et même de quais de gare, privé de cendrier de voiture par des constructeurs zélés, ou chassé de chez lui, le fumeur n'a plus que la rue pour fumer. Et c'est là, dans cet espace ouvert, sale et pollué par nature, qu'il mesure tout le pathétique de son vice. Car éteindre une cigarette sur un bout de bitume gris, même ça, c'est désormais péché. Le regard des passants sait le lui rappeler. Et le dogme écolo lui rabâche qu'il faut deux ans et demi à un mégot de cigarette pour se désintégrer.
C'est pourquoi le cendrier de poche est aujourd'hui le kit de survie du fumeur respectueux de son pénible prochain. Les marchands d'articles pour fumeurs en proposent de plus en plus, ronds ou carrés, en marqueterie parfo