Menu
Libération
Interview

«Rien de mieux que l'alimentation pour évoquer l'intime»

Article réservé aux abonnés
publié le 31 janvier 2007 à 5h45

Invité lors du colloque Nutrition Santé Adolescences, Taïeb Ferradji, pédopsychiatre à l'hôpital Avicenne de Bobigny (Seine-Saint-Denis), étudie les fils symboliques et familiaux qui se tissent à travers l'alimentation. En consultation, il reçoit des migrants, primo-arrivants ou vivant en France depuis quelques générations.

Qu'est-ce qui vous a donné envie de travailler sur les «nourritures affectives» ?

J'ai toujours été intrigué par les envies alimentaires des femmes au moment de la grossesse. Chez les femmes migrantes, le phénomène est encore plus intéressant car elles ont des envies de mets de leur pays d'origine, sans qu'elles y aient forcément goûté. Souvent, elles ne connaissent de ces plats qu'une version modifiée, car la migration a cet effet de transformer, d'adapter les recettes d'origine au pays d'accueil. La grossesse induit des remaniements psychiques qui interrogent la religion, l'éducation et aussi l'alimentation. Dans nos consultations, nous recevons les parents d'enfants en difficulté. J'interroge les mères sur le moment de leur grossesse : beaucoup racontent la solitude et l'isolement dus à l'exil, la séparation d'avec leur terre, leurs mères. Elles ont envie de retrouver les goûts de l'enfance. Alors on parle recettes, ingrédients, odeurs, saveurs. C'est une façon de sceller l'alliance thérapeutique, comme on dit. Cela offre la possibilité de parler de choses douloureuses, d'évoquer plus facilement les désordres qui touchent cette mère, cet enfant, cette fa