Un jour de 1995, Sylvie Sanchez, Varoise fraîchement débarquée dans la capitale, a un choc. Mais quoi, que sont-ce là que ces choses boursouflées offertes à la concupiscence des passants par un certain Pizza Hut ? «Je n'en avais jamais vu des comme ça. Et pourtant, il s'agissait bien de pizzas, même si elles me paraissaient peu ragoûtantes.» Les questions se bousculent dans la tête de celle qui va devenir anthropologue, chercheur associé du CNRS (à l'Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain). Comment les objets en général, et les pizzas en particulier, circulent-ils ? Comment sont-ils appropriés ou rejetés par certaines populations ? Vertigineux. Au moins autant qu'une pizza hawaïenne (celle qui a de l'ananas en plus). Au point que Sylvie Sanchez a fait de la pizza et de ses tribulations une thèse (soutenue à l'Ecole des hautes études en sciences sociales). Remaniée, elle sort aujourd'hui sous la forme d'un livre au titre alléchant : Pizza connexion, Une séduction transculturelle (1). Entretien autour d'un mets aux racines archaïques qui a su devenir l'étendard d'une modernité, mondialement englouti : on consomme 30 milliards de pizzas sur terre tous les ans, sans compter ce que s'enfilent les tortues Ninja. Avec de fortes pointes en France, 10 kilos en moyenne par habitant tous les ans, et carrément 13 aux Etats-Unis, alors que les Italiens n'en grignotent que cinq kilos annuels (2). Entretien.
En quoi la pizza est-elle une originale ?
La pizz