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Libération

«Sous la douche, je pense à l'endroit où je vais dormir»

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publié le 22 janvier 2008 à 2h02

Timide échange de regards, en se croisant au lavabo. Un bonjour discret de la tête et ils ressortent emmitouflés, serviette et trousse de toilette rangées dans un sac plastique. Ils se ressemblent peu. Sans-abri, sans-papiers, familles logeant dans un hôtel meublé avec une douche sur le palier, étudiants ou travailleurs précaires louant une chambre de bonne sans sanitaires, retraités avec une pension modeste : ils fréquentent les 18 bains-douches publics de Paris, lieux carrelés et proprets de la petite misère ordinaire et quotidienne. 900 000 douches sont prises chaque année, gratuitement, dans ces établissements qui ne fournissent ni savon ni serviette. Mais «certains viennent les mains dans les poches, confie un agent. Ils viennent juste se mouiller. Au moins ça leur lave les idées.»

Chaque mardi, Martine (1) a son rituel. Elle prépare minutieusement shampoing, gel douche, maquillage et prend le bus pour les bains de la Bidassoa (XXe arrondissement). Dans son hôtel de la Villette, où elle loue une chambre depuis quatre mois, il y a bien une douche à l'étage, mais il faut faire la queue, le tuyau est cassé et l'eau trop froide. «Ici, ça sent le propre, c'est calme, pratique : t'as pas envie de ressortir.» Pas de peinture défraîchie ni de moisi sur les murs. Le strict minimum, lavé à grande eau, et une équipe souriante. En sortant des cabines en enfilade, la petite femme ronde de 35 ans se bichonne devant la glace, soigne sa coiffure, m