Des études en rafale, des livres en cascade, des statistiques en veux-tu, et des Observatoires nationaux en voilà : plus que jamais, le stress délie les langues et les plumes. Les sociologues sont à son chevet, les syndicats s'en inquiètent, et le ministre du Travail, Xavier Bertrand, vient d'en faire une priorité de santé publique. Oui, le stress au travail est la grande question de l'année. Serait-il pour autant le«mal du siècle», selon la formule consacrée ?«Non, c'est surtout un mot à la mode,répond le sociologue Marc Loriol (1). Depuis que l'homme travaille, il peut souffrir d'épuisement, de perte de motivation, d'anxiété pour des raisons diverses. Les symptômes restent, peu ou prou, les mêmes et seules les étiquettes changent.» Les modes passent, les maux restent, mais les mots comptent pour se faire entendre. Et certains sont plus porteurs que d'autres. Rembobinage.
La fatigue des philosophes
Les Lumières ont éclairé d'un jour nouveau la notion de fatigue. Les philosophes, et Rousseau le premier, commencent à distinguer bonne et mauvaise fatigue. La première est liée aux activités de plein air, alors en plein essor dans la haute société. Plébiscitée, elle est vue avant tout comme un remède à l'irritation et la lassitude dont souffrent les autres, ceux qui restent au contraire travailler en ville. Victimes, eux, de la mauvaise fatigue. Le concept a plu. Au XIXe siècle, les scientifiques se sont jetés dessus : «Ils voulaient