C'est l'heure du bain, de la purée du soir, et de la berceuse. Pourtant, elles sont là, accoudées au comptoir, pomponnées et frétillantes. Un verre à la main, elles savourent la joie d'être «de mauvaises mères». Ce soir-là, A la Belle Hortense, un café librairie du Marais, à Paris, le vin blanc coule à flots et il n'y a personne pour leur dire : «Mais qu'as-tu fait de ton enfant ?» A les écouter, c'est rare.
Nadia, Emma et Johana ont la trentaine. Leurs petits énervements de novices de la maternité ont alimenté un blog défouloir et un livre (1) qui vient s'ajouter à ce que l'on peut qualifier de filon : le je-ne-suis-pas-une-mère-parfaite (lire ci-dessous). Toutes les trois sont journalistes et ont l'habitude de travailler pour des sites web, au sein d'équipes de jeunes… non affublés d'enfant. «Il faut faire gaffe à ne pas gonfler les gens. On fait de l'autocensure», explique Nadia. Exit les plaintes : «Je suis crevée, il n'a pas dormi cette nuit, ou la petite est malade…» Mais entre elles, les trois jeunes mères se retrouvent pour parler de leur maternité «des trucs cool et des trucs qui gavent». En petit comité, elles osent alors dire : «"Ma môme m'a saoulée ; je n'en peux plus d'être enceinte." On buvait des coups ensemble, mais on culpabilisait, on se disait : "Je n'aurais pas dû sortir." De toute façon si ce n'est pas toi qui te le dis, les autres s'en chargent. Un homme qui boit un apéro on ne lui demande jamais