La serveuse dépose en vitesse sur la table un bol de bun thit bo nuong (1), et s'éloigne en oubliant d'apporter la sauce d'accompagnement. C'est un plat de vermicelles de riz qui fait la part belle aux légumes et à la viande. Je hume avec délice les lanières de bœuf grillé, saupoudrées de cacahuètes moulues et habillées d'une dentelle de coriandre. Mais comment apprécier mon repas sans l'incontournable nuoc-mâm, traversé d'un filet de vinaigre et adouci de sucre ?
«Mademoiselle !» fis-je, la hélant.
Mais la jeune fille, le corsage largement ouvert à cause de la chaleur qui règne à Hô Chi Minh-Ville, ne m’accorde aucune attention. Les cheveux lâchés et le rire haut, elle est en train de se faire lutiner par deux touristes hollandais sous le regard bienveillant de son patron de père. Tandis qu’elle se prête aimablement à leur jeu coquin, je me penche sur mon bol où le piment vermillon pétille sous l’étoile verte d’une carambole coupée. Une sauce sucrée accorderait harmonieusement l’astringent et le piquant…
«S’il vous plaît !»
Durian. Peine perdue. La demoiselle tressaute joyeusement sur une cuisse batave. Alors, je me replonge dans la contemplation gourmande de mon plat, titillée par l'odeur de la viande à peine sortie des flammes. Mariné dans un mélange de sauce d'huître, d'huile de sésame, de citronnelle, de sucre et d'ail, le bœuf exhale des promesses de félicité. Il ne manque plus que cette satanée sauce.
«Excusez-moi !»
J’ap