C’est une mode, presque un diktat, avec des librairies qui regorgent désormais de carnets de voyage préformatés où coucher ses souvenirs. Alors, forcément, c’est avec un rien de réticence que l’on aborde l’exposition consacrée à «l’Art du carnet de voyage de 1 800 à nos jours» par le musée de la Poste à Montparnasse (1). Mais la crainte vite s’efface. Couleurs gorgées de lumières, sensualité du papier et exotisme de plain-pied. Les premiers dessins et peintures captivent le regard, invitent à nouveau au départ en cette fin d’été.
Peintures «sur le vif» du nomade Yvon le Corre, en Bosnie-Herzégovine ou à Madagascar, portraits insulaires ou patagoniens du navigateur Titouan Lamazou, dessins au fusain, du marin-écrivain Gildas Flahault… On est là chez des artistes, des pros du carnet de voyage. Avec un grand talent d'évocation, une sensibilité poreuse qui transcende même les scènes les plus banales… mais aussi l'ambivalence d'un journal destiné à être publié, au détriment, parfois, de la spontanéité. Benjamin Flaho, qui livre ses carnets du Burkina et de Sibérie, n'en fait pas mystère : «Au départ, remplir ces carnets en promenade, c'est comme écrire une belle grosse lettre à tous mes proches restés au pays. Partager ce gâteau qui est souvent trop gros pour soi. Après, c'est aussi un moyen de manger, de faire l'artiste, de s'occuper, de séduire une femme, de payer l'addition, de détendre l'atmosphère et de ne pas oublier.»
Joyaux bruts. Une ambiguïté qui