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Libération
Interview

«Pour se faire entendre, il faut être vu»

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Francine Barthe-Deloizy, chercheure, explique pourquoi la nudité peut être un discours :
publié le 14 septembre 2009 à 0h00

Francine Barthe-Deloizy est maître de conférences en géographie à l'université Jules-Verne à Amiens et membre du laboratoire Espace, nature et cultures de l'université Paris-IV-Sorbonne. Auteure de «Géographie de la nudité» (1), elle analyse la multiplication, ces dernières années, de revendications portées par des personnes entièrement dévêtues.

Avez-vous remarqué le nombre de manifestations qui se font désormais à poil ?

Absolument, et le phénomène ne se limite pas à un pays ou une culture : il est mondial. Ce mode de revendication insolite utilise le corps, comme dans n’importe quelle manifestation traditionnelle d’ailleurs, à la nuance près que l’important n’est pas de faire masse entre République et Nation, mais au contraire de marquer les esprits en se singularisant.

Aujourd’hui, pour se faire entendre, il faut être vu. Revendiquer entièrement nu est donc une façon de capter l’attention des médias, en se servant de l’impact de l’image. Et ça marche car la nudité déclenche quelque chose de très profond chez les gens. En fait, la nudité est un discours.

Pourtant il s’agit très rarement d’un propos sur la sexualité. Dans ce cas, pourquoi utilise-t-on la nudité ?

Dans pratiquement toutes les civilisations, on associe invariablement corps nu et sexualité. Du coup, dès que l’on dissocie ces deux notions, ça crée un choc, une sorte de stupeur, les gens sont déroutés. Et c’est ce que cherchent les manifestants déshabillés : déranger l’ordre des choses.

Cela étant, la nudité est aussi un marqueur de la liberté, et je ne parle pas de liberté sexuelle mais de liberté tout court. Quand six cents étudiants chinois ont posé nus pour protester contre l’édificatio